La responsabilité sociétale de l’entreprise Ruashi Mining: Quelles avancées depuis 2021

En 2020, les habitants de la commune de Ruashi à Lubumbashi ont cru à un nouveau départ. Ruashi Mining, une entreprise exploitant le cuivre et le cobalt, signait un accord officiel avec les communautés locales. Un document lourd de promesses : eau potable, électricité, écoles, centres de santé, routes, emplois. En tout, près de 8 millions de dollars d’investissements promis. Quatre ans plus tard, l’espoir s’est envolé, et les habitants attendent toujours.
Des projets sur papier, des attentes non réalisées
Sur les quartiers de la commune Ruashi, l’inquiétude et le désespoir sont visibles .visibles. « Aucune route n’a été refaite depuis la signature du cahier des charges », constate amèrement Christophe Kabwita, habitant de longue date. Et il n’est pas le seul à faire ce triste constat.
L’approvisionnement en eau, pourtant vital, devait être renforcé par six nouveaux forages. Mais un seul a été creusé. Et il ne fonctionne même pas. « Il n’y a pas d’électricité pour faire marcher la pompe », explique Dady Mukena, vice-président du comité de développement du quartier Matoleo 2. Le vieux château d’eau, censé être ravitaillé, est quasiment à l’abandon.
Quant à l’électricité, elle n’a jamais été budgétisée. Le projet n’a jamais démarré. « Depuis la signature, rien n’a changé. Ruashi Mining n’a rien fait », affirment quatre jeunes du quartier croisés en bord de route.

Que dit la loi sur le cahier des charges
Pourtant, la loi est claire. En République Démocratique du Congo, le code minier impose aux entreprises comme Ruashi Mining de signer un cahier des charges avec les communautés qu’elles impactent. C’est une obligation légale. Et le non-respect de ces engagements peut même entraîner le retrait du permis d’exploitation.
Selon l’article 285 septies du Code minier, le cahier des charges définit la responsabilité sociétale d’une entreprise minière vis-à-vis des communautés locales affectées. Le cahier des charges est évalué tous les cinq ans ; son exécution (ou inexécution) sur base du chronogramme est constaté par l’Agence Congolaise de l’Environnement en collaboration avec la Direction de protection de l’environnement minier, après enquête sur site et consultation des communautés concernées (Article 288 bis).
Il faut noter que le non-respect des engagements vis-à-vis des obligations sociales conformément au chronogramme constitue la cause de déchéance d’un permis minier (Articles 286 et 289).
Mais sur le terrain, les habitants se sentent abandonnés. Et le comité local de suivi, censé évaluer les avancées tous les six mois, est quasiment inactif. « Nous n’avons jamais eu de réunion avec Ruashi Mining », déplore Kasongo Fatuma, membre du comité. L’entreprise, dit-elle, « est inaccessible, elle ne collabore pas ». Pire encore : depuis 2021 à ce jour, le Comité local de suivi n’a produit qu’un seul rapport de suivi.
En date du 31 juillet 2025, nous avons adressé un courriel à Madame Elise Kalasa, responsable du volet social au sein de l’entreprise Ruashi Mining, afin de convenir d’un rendez-vous d’entretien relatif à l’exécution du cahier des charges. En retour, elle nous a informés qu’elle était en congé et a proposé de nous rencontrer dans un délai de trois semaines. Nous lui avons alors demandé s’il serait possible d’échanger avec un autre interlocuteur durant son absence, mais cette requête est restée sans réponse. Dans ce contexte, faut-il interpréter ce silence comme une forme de refus de la part de l’entreprise de nous accorder un entretien ? Cette absence de réaction soulève en effet des interrogations quant à
sa volonté de collaborer sur les questions soulevées.
Juste quelques réalisations
Certes, tout n’est pas resté lettre morte. Huit bureaux de développement communautaire ont été construits sur les quinze prévus. Une salle polyvalente est en chantier. Mais le reste du programme est largement non exécuté.
Les écoles, les centres de santé, la gestion des déchets, la formation des jeunes ? Les habitants interrogés évoquent un « manque de volonté » de la part de l’entreprise.
Les autorités ont été passifs dans le suivi de l’exécution du cahier des charges. Ni le maire de Lubumbashi, ni le comité local de développement n’ont été proactifs dans le suivi du dossier.


La demande des communautés
La demande des communautés est simple : que les promesses soient tenues. Que les investissements prévus améliorent enfin leur quotidien. Que les engagements soient respectés, et que Ruashi Mining joue son rôle de partenaire du développement.
« Nous voulons de l’eau, des routes, du courant. Pas seulement des papiers signés et oubliés », résume Mr Robert Muteb un habitant du quartier Kalukuluku.
En attendant, à Ruashi, la poussière continue de recouvrir les routes. Et les espoirs des habitants s’envolent, lentement tous les jours…
Des défis liés à l’exécution du cahier des charges
Le processus d’exécution du cahier des charges de Ruashi Mining suscite des interrogations. Prévu pour se dérouler selon un chronogramme bien défini, ce programme peine à suivre son cours normal. Christophe Kabwita, membre de la commission chargée de son élaboration, pointe plusieurs obstacles majeurs. D’abord, il dénonce le non-respect du calendrier d’exécution des projets par l’entreprise minière. Ensuite, il évoque l’inactivité du comité local de suivi (CLS), un organe censé se réunir tous les six mois à l’initiative du Maire de Lubumbashi pour évaluer l’état d’avancement des engagements. Enfin, il regrette le manque d’implication des autorités locales dans ce processus pourtant crucial.
De son côté, Kasongo Fatuma, également membre du Comité local de suivi, confirme les difficultés rencontrées. Elle souligne que l’absence de collaboration de la part de Ruashi Mining freine considérablement la mission du comité, dont le rôle est pourtant d’assurer le suivi des obligations sociétales prises par l’entreprise.
Constat
L’enquête sur la mise en œuvre du cahier des charges de Ruashi Mining révèle un écart significatif entre les engagements pris en 2020 et les réalisations concrètes observées sur le terrain en 2025. Alors que certains projets ont été amorcés partiellement – comme la construction de quelques bureaux de développement ou d’une salle polyvalente – d’autres, plus essentiels tels que la desserte en énergie électrique, l’approvisionnement en eau potable et l’aménagement des routes, sont restés à l’état de promesses non tenues.
L’inactivité du comité local de suivi et la passivité des autorités publiques ont contribué à une mise en œuvre lacunaire, remettant en question la capacité de l’entreprise à respecter ses obligations sociétales.
Sans un réel respect des engagements vis-à-vis des obligations sociétales de Ruashi Mining, le cahier des charges risque de rester un simple document administratif, sans réel impact sur le développement des communautés affectées.